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j'ai épousé des murs

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j'ai épousé des murs
  • J'écris au gré de mes envies et de mes coups de gueule mon entrée fracassante dans le monde carcéral via ma relation amoureuse avec un détenu. La prison, un monde impitoyable mais pas que...
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7 août 2012

Tomber amoureuse d'un détenu, ce n'est pas une sinécure !!!

A nous les filles faut arrêter de nous bourrer le mou dès notre plus tendre enfance avec ce bla-bla sirupeux de ce connard de prince soit disant charmant qui nous délivre de notre donjon ( en fait c'est plus souvent le 10ème étage de notre HLM mais ça...
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7 août 2012

Le cérémonial des "aveux"

Samedi matin, 8 heures. Me voilà presque habituée mais pas résignée. Je retrouve monsieur. Punaise ! il est encore plus grand qu'hier. Et toujours ce charme fou, surtout lorsqu'il sourit, avec ses petites fossettes qui se creusent. Sacro-saint café mais tension extrême. "à 8h30 on attaque me dit il". Il regarde l'heure, prend le gobelet de ma main (c'est une manie, bordel ! rends le moi !!!). Il prend mes mains dans les siennes et me regarde droit dans les yeux. Il retrace son parcours de vie (il m'en avait écrit une partie) jusqu'au jour où tout a basculé pour lui. A ce moment là, je n'ai pas du vraiment l'aider (il m'a dit que si car je trouvais les bons mots sur lesquels il butait) parce que je ne fais que pleurer. Un vrai torrent de larmes. Je voudrais qu'il se taise, c'est trop dur. Je voudrais me boucher les oreilles et ne rien entendre. ( Quelle loi à la con franchement, je dois supporter par le menu, le déroulé de ses horribles forfaits et ensuite tout répéter à la travailleuse sociale en charge de son dossier. Il ne le sait pas mais ça a été encore pire pour moi de redire ces mots terribles). A un moment, je pose ma main sur sa bouche. STOP ! Il est très réactif, il me propose une pause. J'ai la nausée. Vite ! Je vais vomir. Je sors du box en larmes. Il doit être aussi mal que moi mais ne me le montre pas. Il me conduit aux toilettes, il reste derrière la porte. Je me passe de l'eau sur le visage. Je respire. On y retourne.

Dans mon métier, on nous apprend à gérer nos émotions et même à ne pas avoir d'émotions du tout parfois. Mais, nous sommes des humains et là c'est beaucoup trop. Ca me renvoie à beaucoup de choses mais j'encaisse. Et comme si ça ne suffisait pas, il me raconte ce qu'on lui a fait subir, dans une autre prison... Dès lors qu'il m'a parlé des sévices qu'il a vécu mon sommeil a fait ses valises ou alors je fais des cauchemars.

7 août 2012

Premier parloir

Le 15 du mois, box 15, il est né un 15... Donc ma grande, te voilà devant la porte. Tu régresses, t'as tellement la trouille que t'as envie d'appeler ta mère. Et tu prends sur toi, tu joues la nana affranchie, genre "non-c'est-pas-la-première-fois-que-je-viens-au-parloir" sauf que ça prend pas et t'es minable. Heureusement, le surveillant était cool et il m'a tout expliqué. OUPS ! premier portique ! (ah oui, j'ai tellement peur qu'il sonne que j'en ai retiré toutes les baleines de mes soutifs). Ah ouf, il n'a pas sonné, me voilà arrivée dans la salle d'attente des familles (terme générique de l'Administration Pénitentiaire) pourquoi ne pas dire visiteurs, mais bon...

Donc, le stress monte, tu vois des portes. "il arrive par où ?". Et là, tu comprends que tu changes de local car un surveillant vient nous chercher, il ouvre une porte et nous voilà dans une cour. "Putain ! ils sont hauts les murs, ils t'écrasent, t'oppressent". Dire que je vais me faire embastiller volontairement durant 3 heures !

On arrive au bâtiment des parloirs. La donne change. V'là ce foutu portique que je fais sonner bien évidemment. Me voyant nouvelle et surtout terrorisée (je tremble de tout mon corps) on me laisse passer. Merde ! on nous mets dans une "cage" avec des barreaux et on nous enferme dedans. " au secours ! j'étouffe !". Bon on nous ouvre rapidement, on attérit dans un couloir où on attend nos "proches".L'un après l'autre, les détenus arrivent. Monsieur arrive bon dernier, pas pressé. Je le reconnais de suite, enfin c'est sa haute stature que je reconnais car il n'a rien à voir avec la photo. Il est beau, divinement beau, avec un charisme phénoménal. Et là, il te regarde, il t'a pourtant juré qu'il te reconnaîtrait mais il te dit "c'est toi ?". Bah oui, il ne reste plus que moi dans le couloir !  

Ah, j'oubliais ! Au parloir, on nous appelle par le nom du détenu donc tu réagis pas, ce qui provoque des rires, à commencer par le mien. Et autre source de rigolade, la différence de taille ! Il est très grand et moi toute petite, c'était trop drôle ! Mais surtout , là , je le remercie "merci doudou" car il a assuré. Il m'a prise par la main car il voyait que je me liquéfiais tant j'avais peur, et il m'a conduite dans le box.

On s'assied. Ouf, dans ce box là , il y a une fenêtre "ouvres là s'il te plait, j'étouffe". Il m'offre un café que j'accepte volontiers mais ne me lâche pas la main. Direction la machine à café. Le couloir est étroit, on marche à la queuleuleu et personne ne me voit derrière lui, les autres pensent qu'il parle seul et lorsqu'ils me voient, ils rient gentiment. Mais tous se rendent compte de mon malaise, à mon tour de ne plus savoir parler, pourtant je suis un vrai moulin à paroles.

Retour au box, café en main. Il me laisse en boire une gorgée et me le retire de la main. (bah j'le veux mon café, rends le moi !). Il m'embrasse, plante son regard dans le mien, me reprend la main et là il me demande en mariage. Euh , c'est trop d'émotions là, je pleure et je marmonne je ne sais plus quoi. Mais suis sonnée, la fatigue de la route, la peur de l'inconnu, le stress de l'enfermement, c'en est trop en une seule journée. Je redeviens "normale" au bout d'une heure environ. Je plaisante, je me détens mais je ne comprends toujours pas ce qui est en train de m'arriver.

J'ai devant moi un homme superbe, vêtu très élégamment, avec une conversation posée, une voix douce et des bonnes manières. Bref, un homme au delà du correct et finalement, tu te demandes un peu ce qu'il fout là. Un détail m'a émue ce week-end là, tous les détenus se font "beaux" pour leur famille. Ils redeviennent le père, le fils, l'ami, le frère. Ils ne sont plus un numéro d'écrou. Cette image restera longtemps gravée dans ma mémoire.

Nous avions convenu, loi pénitentiaire obligeant le détenu à dire à son "visiteur" les raisons de son incarcération (loi débile car je ne voulais pas savoir, que fait-on du droit à la vie privée ?), que le vendredi serait un parloir rien qu'à nous. C'était le premier et surtout la première fois qu'on se rencontrait. Et le samedi matin, à 8 heures, il "devait" tout me dire. J'ai mal dormi....

7 août 2012

Premier appel téléphonique

9 heures du mat' le téléphone sonne (je bosse de nuit, merci !). Ah, encore de l'émotion à l'état pur ! En fait, il ne peut faire enregistrer les numéros des jours bien spécifiques, ce qui expliquait son silence.  Il me parle d'une voix chevrotante, et surtout il toussait comme pas possible. Donc oui il a eu mes photos, oui je lui plais, etc... wouah ! c'est merveilleux mais ce n'est pas ce que j'ai retenu de ce premier appel.

Sa voix, saccadée, avec un débit irrégulier m'interpelle. Sur le coup, je ne comprends pas, j'imagine qu'il est cachetonné à mort. Je ne lui fais aucune remarque à ce sujet. Vint le second appel, le soir même ou le lendemain. Pareil que la veille, débit verbal hachuré et il cherche ses mots. Et là, l'horreur ! Je m'aperçois qu'il ne sait plus parler non plus. Je crois que c'est l'une des choses les plus dures que j'ai vécues dans ma vie et Dieu sait que j'en ai vu des vertes et des pas mûres. Je lui en parle cette fois ci, il m'avoue (un peu gêné) que j'ai tout compris. Ca secoue, c'est terrible.

Nous continuons notre échange épistolaire ponctué d'appels quotidiens. Un jour, je sens une lettre plus épaisse que les autres, il m'avait envoyé sa photo. "punaise, il est craquant". Par la suite, le Jour J, en le voyant (j'en parlerai plus tard) je me suis rendue compte que sa photo "datait" comme on dit.

Au fil de nos conversations, nous nous découvrons bon nombre de points communs et surtout que nous allions dans les mêmes endroits en vacances (nous ne sommes pourtant pas du tout de la même région) lorsque nous étions jeunes. Peut être nous sommes nous déjà croisés ?

Et puis, un jour, au beau milieu d'un appel, j'entends un : "ça fait 19 ans que je suis en prison" WOUAH ! 19 ans !!!! . "Euh, je peux savoir quelle peine tu as prise ? Juste ça, pas le reste". "Bah, réclusion criminelle à perpétuité assortie d'une peine de sûreté de 22 ans". Ca calme ! Là, ça tourne vite !!! tu penses "ma fille, tu joues dans la cour des grands, c'est clair qu'il a pas piqué des carambars à carrefour". Et, spontanément tu lui fais cette remarque et il éclate de rire. Il a le sens de l'humour, c'est déjà ça. Mais je suis terrorisée à l'idée qu'il me déballe tout à trac le pourquoi du comment. Pas maintenant, pas comme ça, laisses moi encaisser.

Et n'y connaissant rien sur le système carcéral, je me documente par ci, par là. Je m'aperçois que le sujet récurrent c'est le permis de visite. Je me dis que j'aurai peut être un jour à le demander ce permis donc j'anticipe en demandant à monsieur ce que je dois faire. Il m'envoie le document, hop, pourquoi pas ? En plus il est sympa ce mec donc au mieux ce sera ton futur (mais à ce moment là je ne peux pas l'envisager) au pire tu auras passé un bon moment. Donc je me lance dans la procédure, on me répond : "Mamzelle, n'étant pas de la famille, une enquête de moralité sera diligentée..."  Je me renseigne et je lis que ça peut aller de 2 à 6 mois ! Mince ! Car, entre temps, nous avons commencé à tisser des liens étroits et l'envie de voir l'autre devient pressante. Il faut savoir qu'il y a un temps "prison" où une minute dure une heure, une heure dure une journée... et notre temps à  nous. Donc il faut gérer ton stress (finalement je ne lis plus les forums, ça me fout le blues) et le stress de monsieur. Donc tu appelles la préfecture et la dame me dit "pour vous, ça va aller vite". En effet, montre en main, entre la demande de permis, l'enquête et la délivrance de ce sacro-saint permis ça a mis 3 semaines. Pas mal, sauf qu'entre temps on a eu un permis exceptionnel de 3 jours, et na !  

7 août 2012

La première lettre...

Elle n'est pas facile du tout à écrire car tu ne sais pas trop quoi mettre dedans, ni trop, ni pas assez, le juste dosage ! Tu te renseignes un peu sur le web et on te conseille "ne parles pas de son affaire". Bah c'est gentil, merci pour l'info mais je ne le connais pas encore le gus alors j'aurais du mal à en parler ! Je ne connais rien de lui à part son nom, son prénom et son numéro d'écrou !  

Donc, une nuit, tu te lances, les mots viennent, des banalités je crois (tiens j'aimerais bien la relire un jour cette lettre !!!). Je me souviens l'avoir appelé par son prénom et l'avoir vouvoyé (bah oui je suis de la vieille école et na !). Et pis toujours sur des conseils de personnes avisées j'envoie une enveloppe timbrée pour la réponse. Je me domicilie en poste restante (j'ai su par la suite qu'il n'avait pas apprécié) et hop, je lui envoie le tout. C'était un 29, j'ai eu sa réponse le 12 !! Pas pressé pour un sou le pépère ! La poste fut grandiose sur ce coup là, elle m'a déposée ma lettre "poste restante" à mon domicile ! J'ai gagné du temps et de l'argent ! Merci la poste !

Dès que j'ouvre l'enveloppe, je déverse un torrent de larmes, elle était très touchante cette lettre. Mine de rien, dessus il m'explique qu'il a le droit de téléphoner (hé hé hé message subliminal reçu 5/5). Je lui réponds dans l'heure pour lui demander ce que je dois faire pour qu'il puisse m'appeler. Quelques jours après, j'ai la réponse (on peut noter qu'il a mis nettement moins de temps là). Par contre, il y a un HIC ! Un énorme HIC !!! Ce n'est pas la même écriture !!! Dans quel guêpier je me suis encore fourrée ??? "assieds toi et lis ce que le monsieur a à te dire". Stupéfaction ! Il te dit qu'il a honte de son écriture et qu'il a demandé à ce que quelqu'un lui recopie. Comme c'est mimi. Sauf que, même si son écriture est très enfantine, je la préfère à celle du "recopieur".

Donc là, tu te prends un uppercut, car tu te dis "mais il ne sait plus écrire", d'ailleurs, au fil des lettres, avec la pratique, la calligraphie devenait plus fluide.

Sur cette fameuse lettre il m'explique la procédure à suivre afin qu'il puisse m'appeler et me demande des photos. Hésitante, je me laisse le temps de la réflexion. "bon qu'est ce que t'as à perdre ?" j'accède à ses requêtes et lui envoie le tout. Le temps passe,  aucune lettre, aucun appel, "c'est mort, je ne dois pas lui plaire" ai-je pensé.

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